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Ecologie individuelle

Faire sa part, les éco-gestes et après?

Consommer local et de saison, refuser les emballages, prendre une douche au lieu d’un bain, privilégier les modes de déplacement doux, éteindre ses appareils en veille, baisser la température de 1°C dans son logement… Voici quelques gestes écologiques que l’on retrouve mis en avant dans les médias, listés dans les articles de blogs ou brandis par les institutions publiques1 pour réduire notre empreinte carbone. La communication sur la lutte contre le changement climatique semble se limiter aux efforts que font (ou ne font pas) les citoyens. Mais dans quelles mesures les consommateurs·rices peuvent-ils·elles réduire leur empreinte carbone ? Existe-t-il des gestes plus efficaces que d’autres ? L’état et les entreprises ont-ils·elles leur part de responsabilités dans la lutte contre le changement climatique ?

Avant de s’épuiser à multiplier les écogestes individuels, à pointer du doigt les personnes qui ne se mobilisent pas ou si peu, réfléchissons à l’impact réel qu’ont ces gestes écologiques du quotidien sur les émissions de gaz à effet de serre.

Affiche du ministère de l'économie, des finances et de la relance qui promeut les écogestes. Un bonhomme ressemblant à un nuage et équiper d'un cartable dans e dos jongle avec une cannette en aluminium, une peau de banane et une feuille de papier roulée en boule. Sur le haut de l'affiche est écrit Chacun participe, toute le monde en profite, En bas Recycler c'est d'abord bien jeter ses déchets. Tout en bas est écrit BercyLab mobilisé pour un monde plus vert.
Affiche de sensibilisation aux écogestes du ministère de l’économie, des finances et de la relance à destination de ces collaborateurs. (Source : BercyLab)

Objectif : 2 tonnes éqCO2 par personne en 2050

Afin d’atteindre les objectifs fixés par l’accord de Paris2 et de rester sous la barre des 2°C de réchauffement global de la planète, l’empreinte carbone moyenne des Français·es doit passer d’environ 10 tonnes éqCO23 en 2019 à 2 tonnes en 2050 soit une baisse de 80 % en 30 ans. Les écogestes individuels sont-ils suffisants pour réussir cette prouesse ?

En 2019, dans son rapport Faire sa part ?, le cabinet Carbone 4 a mesuré l’impact d’une douzaine d’écogestes sur l’empreinte carbone moyenne des Français·es. Le choix des écogestes s’est porté sur des petits gestes du quotidien (achat de LED, achat de gourde, baisse de la température de chauffage du logement) et des gestes impliquant des changements de comportements (manger végétarien, ne plus prendre l’avion, acheter local). Dans l’hypothèse d’un comportement héroïque c’est-à-dire appliquer tous les écogestes choisis dans l’étude 365 jours de l’année, la baisse de l’empreinte carbone moyenne des Français·es ne serait que de 25 % soit moins d’un tiers de l’effort à faire pour respecter l’accord de Paris.

Cependant, il est inenvisageable que chaque personne s’astreigne à un mode de vie si contraignant pour diverses raisons. Par exemple, il est difficile de se passer de voiture quand il n’y a aucune alternative viable (transport en commun, pistes cyclables…) pour se rendre à son travail ou faire ses courses. Cette étude montre que, dans une optique réaliste, l’impact des changements de comportements individuels ne serait que de 5 à 10 %, une baisse bien inférieure aux 80 % attendus. Pourtant les écogestes ne sont pas à renier pour autant. Alors existe-t-il des gestes à mettre en place qui ont un impact significatif sur notre empreinte carbone ?

Quel écogeste a le plus d’impact ?

Selon cette même étude, manger végétarien c’est-à-dire bannir la viande et le poisson de son assiette permettrait de réduire d’une tonne en moyenne son empreinte carbone, loin devant les écogestes qui concernent la mobilité, l’achat de seconde main ou la réduction des emballages.

Baisse des émissions de CO2 suivant les gestes écologiques individuels choisis. (Source : rapport Faire sa part, Carbone 4)

Devenir végétarien conduit à éviter 40% des émissions de gaz à effet de serre à titre individuel. Des efforts sur le mobilité permet quant à elle de diminuer de 30 % supplémentaire son empreinte carbone. Pratiquer le zéro déchet et limiter ses emballages réduit son empreinte carbone individuelle de seulement 3 %, une goutte d’eau dans l’océan.

Si, comme on l’a vu précédemment, l’application des écogestes permet au mieux de réduire de 25 % ses émissions carbone, mettre son énergie dans des gestes qui comptent semble le plus raisonnable : passer au végétarisme et agir au niveau de sa mobilité (laisser la voiture au garage sur les trajets courts, en finir avec l’autosolisme, ne plus prendre l’avion) sont les écogestes qui ont le plus d’impacts.

En conclusion, les écogestes individuels ne sont pas négligeables afin de réduire son empreinte carbone personnel à condition de choisir les plus pertinents : devenir végétarien, repenser ses modes de déplacements plutôt que de se cantonner à vouloir réduire ses déchets à tout prix. Cependant, ces écogestes ne sont pas suffisants car leur mise en application dépend de la société dans laquelle on vit.

Zoom sur l’impact du zéro déchet

Crédit photo : Sarah Chai via Pexels

Dans l’étude du cabinet Carbone 4 Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique, la part de gaz à effet de serre économisée en additionnant les écogestes liés au zéro déchet (zéro déchet et gourde, moins de vêtements neufs et achat d’occasion d’appareils électroménagers) est de 0,47 tonnes éqCO2 soit 6 % des efforts à atteindre en 2050. Le zéro déchet est toujours une porte d’entrée très importante vers un mode de vie plus écologique mais tous les efforts qu’il faut fournir pour réduire drastiquement ses déchets sont bien dérisoires face à l’ampleur du changement systémique qui doit être mis en œuvre pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le zéro déchet est le plus souvent porté à bout de bras par les femmes. Ce sont elles qui impulsent dans le couple hétérosexuel les comportements écologiques et le conjoint suit ou pas. Dans la note du think tank Terra Nova de juin 2021 Les femmes et le changement climatique écrite d’après les résultats de l’étude Obs’Cop 2020, les femmes, indépendamment de leur âge, de leurs revenus et de leurs origines sociales sont plus sensibles aux questions environnementales que les hommes. Ce sont elles aussi qui sont les plus mobilisées pour impulser des changements de comportements quotidiens, notamment sur la réduction et le tri des emballages ou la diminution de la consommation de viande. Au sein du couple hétérosexuel, la répartition des tâches domestiques est toujours très inégale et cette fracture ne semble pas se réduire. En 2016, les femmes étaient encore 80 % à passer une heure par jour à faire à manger ou le ménage contre 36 % des hommes.

Si le zéro déchet a peu d’impact sur les émissions carbone, il n’est pas à mettre de côté pour autant. Il permet de réduire la consommation de ressources primaires et diverses pollutions sur l’eau, l’air, le sol. Par exemple, utiliser une gourde au lieu d’eau en bouteille permet de limiter la pollution plastique. En France, seulement une bouteille plastique sur deux est recyclée. Cependant, les consommateurs·trices ne sont pas responsables ni de la vente de liquides dans des contenants plastiques ni du faible taux de recyclage des plastiques. Ce sont des considérations purement économiques qui ont conduit les industriels à proposer des contenants à usage unique.

Les contraintes de la société limitent nos efforts individuels

La mise en place de la plupart de nos écogestes se heurte au fait que l’on vive en société. Difficile de dire que l’on est végétarien quand la communication qui promeut la consommation de viande4 est financée par de l’argent public. La publicité étant omniprésente dans nos vies, elle nous pousse à acheter de lourds SUV5 ou consommer de la fast fashion6. Dans ce cas, mettre en place des changements au quotidien pour émettre moins de carbone semble compliqué. Hormis la publicité qui envahit l’espace, certains freins sont aussi dus à des choix de politiques publiques.

Le développement du tout-voiture nous rend dépendant d’un véhicule pour le travail ou pour nos loisirs. La construction de passoires thermiques au moment où les énergies fossiles étaient bon marché se révèle aujourd’hui de puissantes sources de gaz à effet de serre et augmente la précarité énergétique des plus modestes. Aujourd’hui, nous héritons de décisions politiques et économiques des décennies passées. Il est irréaliste de reprocher aux individus le fait de vivre dans un pavillon de banlieue mal isolé et de passer ses samedis après-midis dans des centres commerciaux. Ce choix est la plupart du temps un non-choix. Cependant, il existe des leviers à mettre en œuvre à titre individuel (quand on a assez d’argent) et à titre collectif par des décisions politiques locales et nationales ambitieuses.

Après les petits gestes du quotidien, l’investissement privé des ménages permettrait de réduire encore l’empreinte carbone moyenne des Français·es de 10 %. Cependant, il est nécessaire que l’État et les collectivités locales mettent en place des aides significatives pour inciter les citoyens à isoler leur logement ou changer leur véhicule pour des véhicules plus sobres. Cette incitation doit être financière mais aussi réglementaire. Que dire des plans locaux d’urbanisme qui restreignent les possibilités d’isoler les maisons ou la pose de panneaux solaires sur des critères esthétiques qui ne sont pas toujours justifiés!

Crédit photo : Ksenia Chernaya via Pexels

En résumé, nos efforts individuels (écogestes du quotidien et investissements privés des ménages) conduiraient à réduire d’un quart à la moitié l’empreinte carbone moyenne, ce qui est déjà considérable. La part restante doit être prise en charge par l’État et les entreprises. Il est temps de ne plus faire reposer tous les efforts de lutte contre le changement climatique sur les individus.

Miser sur le collectif

En plus des gestes du quotidien et des investissements privés des ménages quand ils le peuvent, l’État, les collectivités locales ainsi que les entreprises privées doivent prendre leur part de responsabilités. Il faut arrêter de culpabiliser les citoyen·nes, les consommateurs et consommatrices pour l’échec d’une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre et donc du changement climatique que nous subissons déjà. A titre individuel, nous pouvons réduire de 50 % au mieux nos émissions carbone.

Les entreprises doivent changer de business model et arrêter de miser sur le profit à tout prix au mépris de la santé de leurs employés et de leurs client·es sans parler des pollutions diverses qu’elles génèrent. Leur politique d’entreprise doit avant tout réfléchir en terme d’impacts sur leur climat et non sur les bénéfices et les dividendes versés à leurs actionnaires. Dans le même état d’esprit , les entreprises doivent aussi arrêter leurs pseudo-engagements environnementaux et le grennwashing qui guident leur communication7.

Quant à l’État, il doit décarboner ses services. En effet, entre 1,1 tonnes8 et 1,4 tonnes9 de gaz à effet de serre sont émis par les services publics soit plus de la moitié de l’objectif de 2 tonnes de CO2 par personne en 2050. D’autre part, il est de son devoir de montrer l’exemple. Il doit rénover ses bâtiments publics et former ses agent·es. Enfin, il ne faut pas oublier l’aspect réglementaire. Le vote de lois contraignantes sur le plan environnemental pour interdire les pratiques climaticides de certaines entreprises mais aussi octroyer des aides publiques dans le cadre de mesures allant dans le sens de la réduction des gaz à effet de serre sans pénaliser les ménages les plus précaires.

Comment agir ?

Le rapport Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique du cabinet Carbone 4 a mis en lumière que nos changements de comportements du quotidien n’est pas anodin à condition de choisir celui qui a le plus d’impact. Il met en évidence aussi le rôle de l’État et des entreprises pour atteindre des émissions de gaz à effet de serre limitées à 2 tonnes éqCO2 en 2050.

Pour finir, je vous propose une série d’actions à mettre en place à titre individuel ou collectif pour agir dès maintenant. Ces actions ne sont que des propositions que vous pourrez choisir suivant le temps et les moyens financiers disponibles.

Action individuelleAction collective
AlimentationDevenir végétarien
Manger local, bio,
de saison
Demander des menus
végétariens en collectivités
Arrêter les financements
publics de la publicité
pour la viande4
MobilitéOpter pour le vélo, les transports
en commun, le covoiturage
quand c’est possible
Ne plus prendre l’avion
pour ses vacances, son travail
Militer auprès des collectivités
pour des infrastructures cyclables
sécurisées en ville et à la campagne
Mettre en place le covoiturage
en entreprise10
Arrêter les subventions de l’Etat
pour l’avion au détriment du train11
ConsommationRéduire sa consommation
de produits :
ne pas acheter,
acheter moins,
louer ou emprunter
Réguler la publicité pour réduire
les incitations à la surconsommation10
FinanceChanger pour une banque
plus éthique en fonction
de vos moyens financiers
Lutter contre l’évasion et
l’optimisation fiscale
S’engagerSoutenir financièrement les
associations de défense
de l’environnement ou
dans le domaine du social
Rejoindre une association
de défense de l’environnement
ou dans le domaine du social

Que pensez-vous du rapport Faire sa part ? Culpabilisiez-vous à l’idée de ne pas en faire assez pour la planète ? Pensez-vous revoir vos actions quotidiennes pour la planète ? Avez-vous envie de vous investir dans des actions collectives ?

N’hésitez pas à laisser un commentaire!

Logo Empreinte Minimale . Au centre les lettres E et M superposés verticalement . Encercle au dessus le texte empreinte minimale, au dessous écologie consciente

Pour aller plus loin :

Calcul de l’empreinte carbone personnelle

https://www.myco2.fr/fr/

https://nosgestesclimat.fr/

Bibliographie :

C. Dugast, A. Soyeux, Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’État face à l’urgence climatique, Cabinet Carbone 4, juin 2019

1 Sensibilisation aux écogestes, Ministère de l’économie, des finances et de la relance, consulté le 21/02/2022

2 L’accord de Paris sur le climat impose de limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle ce qui implique de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 5 % par an.

3 Renforcer l’atténuation, engager l’adaptation, version grand public, 3ème rapport annuel du Haut conseil pour le climat, septembre 2021

4 N. Delliston, Haché menu ce que nous cache la publicité pour la viande, Greenpeace Danemark, novembre 2021

5 Le trop plein de SUV dans la publicité, WWF, Mars 2021

6 L’impact de la mode : drame social, sanitaire et environnemental, Oxfam France, consulté le 21/02/2022

7 Publicité : une tolérance de plus en plus grande au greenwashing en France ?, The Conversation, 7 avril 2021, consulté le 21/02/2022

8 Chiffre issu de la plateforme Nos gestes Climat.

9 Chiffre issu de la plateforme Carbone 4 MyCO2

10 Rapport de la Convention Citoyenne pour le Climat, synthèse, juin 2021

11 Proposition issue de la tribune de Jean Sivardière est vice-président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut)

Crédit photo : Alena Koval via Pexels pour la photo de couverture

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2 commentaires

  1. Kellya a dit :

    Merci pour cet article très complet et chiffré, ce sont des informations parfois difficiles à trouver. Il me semble avoir déjà lu que l’alimentation végane est encore une grande amélioration par rapport à la végétarienne du point de vu carbonne, j’espère qu’elle sera aussi prise en compte dans de futurs rapports.
    J’ai au moins l’impression que ces dernières années l’idée de faire certains repas sans produits carnés s’est démocratisée, meme si ce n’est qu’une fois ou deux par semaine cela permet une évolution, et de ne plus etre aussi clivés entre végétarien et non-végétariens.
    Vivant en Allemagne, je profite aussi de la chance que j’ai d’avoir des options végétariennes dans absolument tous les restaurants, ce qui me permet de sortir avec des amis ou collègues sans jamais avoir la peur de ne pas trouver de quoi me nourrir, alors que mes expériences en France ont été assez catastrophiques.

    1. Merci Kellya pour ton retour sur l’article.
      En effet,l’alimentation végétalienne est moins émettrice que le végétarisme. J’ai partagé un visuel sur ma page instagram cette semaine. On peut y avoir que la consommation de l’ensemble des produits animaux représente 60% des gaz à effet de serre de l’alimentation chez un.e Français.e moyen.ne et 14% de l’empreinte carbone moyenne française en 2019. En France c’est déjà compliqué de parler végétarisme alors pour le végétalisme… Je pense que les sources anglo-saxonnes sont plus documentées de ce point de vue.
      Je suis aussi d’accord avec toi, il est plus facile d’être végétarien.ne en France aujourd’hui même si à l’extérieur c’est encore un peu compliqué.

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